Les femmes sont-elles assez présentes en entreprise ? Qu'en est-il alors lorsqu'une mixité est atteinte ?
Pour trouver des réponses à ces questions, nous avons discuté avec Isabelle Gueguen, experte de l’égalité professionnelle et co-fondatrice du cabinet Perfégal. Nous avons aussi lu pour vous le rapport 2019 du Bureau International du Travail (BIT). Son enquête mondiale s’axe sur les femmes d’affaires et les femmes cadres. Diffusée en 15 langues dans 70 pays différents et auprès de 13 000 entreprises de toutes tailles, cette enquête avait deux objectifs : faire un état des lieux des postes occupés par les femmes et identifier les initiatives mises en place dans certaines entreprises pour atteindre davantage de mixité. Deux constats frappants ressortent de l’enquête du BIT, et nous avions envie de vous en parler.
Entre ségrégation professionnelle et plafond de verre : la difficulté de l’accès à certains postes pour les femmes
Premier constat pour le BIT, “48% des entreprises interrogées ont des femmes cadres supérieures.” Quant aux entreprises disposant d’une direction générale, seulement 1/5ème d’entre elles compte une femme à sa tête. En 2019, les femmes sont donc toujours moins représentées dans les postes élevés de la hiérarchie. Et, de facto, bien moins impliquées dans les prises de décision impactant l’entreprise.
La haute hiérarchie est avant tout un “entre-soi qui nous rassure”, ajoute Isabelle Gueguen, et l’accès à certains postes élevés se fait souvent via un parcours plutôt “souterrain”. Il s’agit alors de faire fonctionner son réseau, de cumuler les différentes expériences professionnelles… Cela, les grandes écoles de l’enseignement supérieur l’ont bien compris ; mais malgré d’excellents résultats au baccalauréat, les jeunes filles sont encore trop peu présentes dans ce genre d’établissements. Ce parcours plus officieux est rarement abordé lorsque l’on est face à sa conseillère ou son conseiller d’orientation, mais il peut pourtant faire toute la différence.
C’est sans compter sur la “bipolarisation sexuelle” des entreprises, qui exclut les femmes d’un bon nombre de secteurs d’activité. Ce terme, utilisé pour la première fois par Michel Ferrary en 2013 évoque la ségrégation professionnelle qui cantonne les femmes et les hommes à des domaines spécifiques. Le BIT constate d’ailleurs que depuis 2013, les choses n’ont pas réellement évolué. En effet, quand les femmes occupent des postes d’encadrement, il s’agit généralement des ressources humaines, de la finance et de l’administration, du marketing et des ventes. Parallèlement, la plus forte incidence de cadres exclusivement masculins est observée dans des domaines comme l’exploitation et le contrôle de gestion qui peuvent servir de tremplin vers des postes de direction. Isabelle Gueguen nous explique d’ailleurs que même à postes dits “égaux”, les tâches attribuées à une femme ou un homme diffèrent, impliquant ainsi une valorisation différente de leur travail et creusant un peu plus l’écart qui les sépare.
Difficile, donc, d’accéder à une certaine forme de mixité, et encore moins d’égalité.
Pour l’externe comme en interne, la mixité est essentielle à la performance !
Pourtant, le rapport du BIT indique clairement que les entreprises ayant mis en place des politiques tendant vers plus de mixité ressortent gagnantes de ces démarches. Elles auraient en effet 31% de chances supplémentaires de déclarer des résultats commerciaux en hausse, contrairement aux autres entreprises. D’ailleurs, 1/3 des entreprises qui ont constaté une rentabilité accrue suite aux mesures mises en place pour plus de diversité ont rapporté “une augmentation de 10% à 15% des profits.”. Si l’on regarde les chiffres d’un peu plus près, parmi les entreprises qui soulignent de meilleurs résultats :
60,2% font état d’une rentabilité et d’une productivité accrues,
56,8% constatent une plus grande capacité à attirer et conserver les talents,
54,1% déclarent que la réputation de leur entreprise s’est améliorée.
Les effets positifs de cette mixité se remarquent tout de suite sur les résultats externes, mais pas que !
Un atout de poids de la mixité : la créativité !
Les entreprises avec des résultats en hausse soulignent aussi une créativité, une innovation, mais surtout une ouverture d’esprit renforcées. Elles déclarent également que la communication au sein des équipes est plus fluide. La mixité offre également des conditions de travail plus agréables qui se répercutent sur l’ensemble des salariés. Le taux d’absentéisme est alors réduit, ainsi que le nombre d’accidents du travail ou encore le taux de renouvellement du personnel. Isabelle Gueguen témoigne d’apaisement des équipes et de l’atténuation d’une certaine concurrence de genre (beaucoup plus exacerbée quand des femmes ou des hommes ne se retrouvent qu’en elles/eux.)
Le BIT constate aussi que les “entreprises disposant de conseils d’administration équilibrés ou d’une directrice générale ont davantage tendance à appliquer la parité à d’autres niveaux d’encadrement. Ce qui laisse entendre que les femmes dirigeantes réussissent mieux à donner la priorité à la diversité, et que l’inclusion entraîne l’inclusion.”
Pour Isabelle, il est clair que la mixité ne peut qu’être positive. Elle insiste cependant sur le fait que “cet impact positif ne vient pas uniquement des femmes, mais bel et bien de la richesse qui émane lorsque différentes opinions et expériences convergent. Une plus grande diversité d’expériences conduit à plus de lucidité.”
“La mixité, pour être efficace, doit être à tous les niveaux !”
Plusieurs études montrent qu’il faudrait, dans l’idéal, dépasser le seuil des 30% des femmes cadres ou siégeant aux conseils d’administrations pour créer une masse critique et recueillir les fruits de la mixité. Pourtant, le rapport du BIT montre que cette réalité est encore loin pour beaucoup d’entreprises. De plus, mixité rime rarement avec égalité… Pour tendre vers cette dernière, Isabelle Gueguen nous invite à se poser les bonnes questions :
“Est-ce que j’ai 30% de femmes à l'exécution ? Est-ce que j’ai 30% de femmes chez les cadres ? Et dans les autres métiers de mon entreprise ? Leur travail est-il suffisamment valorisé ?”
La mixité, pour être efficace, doit être à tous les niveaux ! Isabelle ajoute qu’il est essentiel de ne pas s’arrêter au recrutement lorsqu’on est dans une dynamique de mixité, et que cette transition doit se faire avec un accompagnement particulier des femmes tout au long de la vie de l’entreprise. De nombreux leviers doivent encore être activés pour que les femmes puissent monter en compétences, gagner en légitimité pour prétendre à une certaine parité. Voire même, soyons optimistes : l’égalité !
Autrice : Camille.